Intro: A Rome, se célèbre ce matin la Clôture du Synode sur la Famille, la Béatification du pape Paul VI et la Journée Mondiale de la Mission. Et le Congo y est représenté par le président de la C.E Mgr Louis PORTELLA. Que les fruits de ce Synode nous aident à bien vivre cette année axée sur la Famille.
Frères et sœurs,
L’évangile de ce jour lève l’équivoque entre le pouvoir Humain et le pouvoir Divin. « Donne-nous ton avis sur l’impôt », dit-on à Jésus. Et lui de répondre : « à César ce qui est à César».
En effet, pas d’ambiguïté pour Jésus entre le pouvoir des rois et l’humilité des serviteurs, entre l’avoir des riches et la pauvreté des petits, entre le savoir des savants et la quête des chercheurs de Dieu. Son message est clair : « Soyez citoyens du monde, mais n’oubliez pas que vous êtes avant tout citoyens du Royaume.
Oui, Jésus refuse le simplisme de la question de ses interlocuteurs. Il situe le problème au niveau de l’essentiel, et l’essentiel pour lui c’est la place de Dieu chaque fois que nous sommes devant une question vitale qui demande de chacun et chacune d’entre nous une réponse qui engage notre vie. A l’exemple de toutes ces questions actuelles qui nous préoccupent, telles que : les exactions terroristes de Boko Aram, la construction de la plus grande Mosquée d’Afrique Centrale à Brazzaville, le Virus Ebola, ect.
Mon frère, ma sœur,
Ces pharisiens, qui voulaient tendre un piège à Jésus, sont enfermés sur eux-mêmes par leur propre question et par la manière dont ils la pose. Un peu comme tous ceux qui, aujourd’hui, posent à l’Eglise la question du moment sur la Constitution. Pour s’en convaincre, examinons ensemble ladite question. Ils lui envoient leurs disciples:
« Maître, lui disent-ils, nous le savons : tu es toujours vrai et tu enseignes le vrai chemin de Dieu ; tu ne te laisses influencer par personne ». Dit nous : “Est-il permis ou non de payer l’impôt?”.
Est-ce dans le même Esprit que se pose à l’Eglise la fameuse question du changement de la Constitution ? reconnait-on à l’Eglise Catholique qu’elle est toujours vraie et enseigne le vrai chemin de Dieu, qu’elle ne se laisse influencer par personne? Puisque, jusque là, aucune autre institution de la République comme le parlement, la présidence, le Conseil économique et social… et aucune autre institution religieuse comme l’Église protestante du Congo, l’Armé du Salut… ne se sont encore prononcées sur ce sujet. Et cela ne dérange personne. Les intentions mal honnêtes des interlocuteurs de Jésus ne sont-ils pas les nôtres ? Pour Jésus, c’est clair, ces gens ne cherchent pas une réponse à une question qui les préoccupe, et encore moins la vérité. Ce qui leur importe, c’est de prendre en faute Jésus. En posant cette question, ils tendent un piège à celui qui les gêne. Car d’une telle question, que pouvaient-ils attendre de Jésus? Une réponse au dilemme du “permis et du défendu” ?
Mais par sa réponse, Jésus entraîne les pharisiens dans la direction de la foi comme Isaïe envers Cyrus dans la 1ère lecture (Isaïe 45. 4). Il demande une simple pièce de monnaie, comme un billet de banque, mais attention, c’est tout un programme c’est tout comme une Constitution, en ce sens qu’elle contient toujours l’annonce d’une politique. Les rapports d’argent traduisent notre situation et les types de relation entre les hommes. L’argent, nous le savons tous, permet d’acheter un objet, d’occuper un logement, de recevoir le fruit de son travail, bref. Il sert aussi bien à couvrir le nécessaire qu’à accaparer une place et une domination. L’argent a le parfum de la domination ou du service, il sent la sueur et parfois même le sang. On dit même qu’il est le nerf de la guerre. Il est toujours plus que sa matérialité, et l’Evangile l’a bien compris : « l’argent est mauvais maître et bon serviteur », « Vous ne pouvez servir Dieu et l’argent » (Matthieu 6. 24).
Mais l’évangile de ce dimanche ne concerne pas l’argent pris isolément, il porte sur sa signification.” Payer ou non l’impôt, c’est rester à la surface des choses. Or, il nous faut aller plus loin que l’effigie, lire au-delà de l’inscription, découvrir quelle réalité elles expriment. Ainsi, comme pour toute chose et toute situation humaine, une vérité invisible et plus profonde nous attend au-delà de tous les signes visibles. Les pharisiens le savaient bien et c’est pourquoi ils posent cette question à Jésus. En demandant une pièce d’argent, Jésus leur révèle deux fautes. Il leur rappelle dans un premier temps qu’ils utilisent couramment l’argent, sauf dans les offrandes versées au Temple. Sommes-nous semblables à eux ? Ensuite, sur cette pièce, est gravée, l’effigie de l’empereur. Or un vrai juif refuse la représentation en image, non seulement de Dieu qui est transcendance, mais aussi d’un homme, et spécialement d’un empereur qui se prend pour un dieu.
Finalité: Cette pièce doit être rendue à son propriétaire. “Rendez à César…” Cela ne signifie pas l’autonomie du domaine politique par rapport au domaine religieux. Comme l’ont pensé, ici dans notre pays, certains politiciens et journalistes véreux aux cerveaux enrhumés, lors de la prise de position des évêques à propos de la gestion du Pétrole. La politique en effet est un des lieux concrets d’exercice de la charité. La loi morale doit s’y manifester de plein droit, car c’est l’un des moyens par lesquels, en aimant ses frères, le chrétien manifeste son amour de Dieu. Il y a donc un lien entre ces deux domaines, puisqu’on ne peut servir Dieu en délaissant l’homme.
Ce qui intéresse Jésus, c’est “Dieu seul”. Il faut rendre à Dieu ce qui lui appartient, à savoir l’homme. De fait, Jésus n’esquive donc pas une question délicate. Il ouvre plutôt une perspective nouvelle dans une vision étriquée du politique. Il nous offre la seule liberté possible, celle de choisir en notre âme et conscience, ce qui va dans le sens d’une plus grande humanisation des rapports sociaux. “César” n’a pas l’exclusivité du domaine humain et matérielle et “Dieu” celui du domaine spirituel, non. La réponse de Jésus ne dissocie donc pas les deux domaines, César et Dieu, elle les unit en donnant priorité à Dieu. Rendre à César ce qui est à César, c’est en définitive accepter l’incarnation, c’est accepter la réalité humaine, c’est accepter le chemin (non pas d’avenir) mais qui nous permet, dans un juste comportement vis-à-vis de “César” de pouvoir rendre à Dieu ce qui est à Dieu, c’est-à-dire la totalité de l’homme.
S’il faut rendre à César ce qui est marqué de son effigie, que nous faut-il rendre à Dieu qui soit marqué de son sceau ? Tout juif pieux connaît la réponse : la seule réalité qui soit à l’image de Dieu, c’est l’être humain, c'est-à-dire nous-mêmes. C’est dire que, si l’argent qui porte la marque de l’autorité politique retourne légitimement vers cette autorité en payant l’impôt, la personne humaine qui est marqué dès l’origine par l’image de Dieu a vocation de retourner vers Dieu. Ce retour vers celui qui a marqué notre cœur de son image ne se réalise pas seulement à la fin de notre vie, nous sommes invités à reconnaître la présence et l’autorité de Dieu dans notre vie quotidienne.
Cet évangile est d’une actualité frappante. A la suite de Jésus, l’Église cherche à établir un lien positif entre la vie religieuse des Chrétiens et la vie des hommes dans la cité ou dans le monde. C’est donc à partir de la Parole de Dieu que s’établit toute justice, car l’Église enseigne aux chrétiens combien ils sont solidaires de leurs frères en humanité et comment ils doivent s’engager dans les réalités du monde. C’est dans cette perspective que les évêques de la RD Congo se sont prononcés sur la nébuleuse question constitutionnelle. Et chez nous, des individualités, telles les juristes, les sociologues, les politologues, les politiques, et même des collectivités, telles les associations, les prétendus sages des Départements, les femmes leaders du Pool, les partis politiques, communiquent abondamment sur ce sujet dans les médias disponibles et disposés. Si bien que du côté de l’Église officielle, il nous parvient comme un silence.
Et pourtant, pour ceux qui ne le savent pas, réunis pour la 41ème Assemblée Plénière à Brazzaville, du 8 au 14 avril 2013, les Evêques du Congo, nous adressaient, à nous tous, Prêtres, Religieux et Religieuses, fidèles Laïcs du Christ, hommes et femmes de bonne volonté, un message d’interpellation et d’espérance sur la situation sociale de notre pays. Et déjà là, nos pères Evêques prenaient position à propos des atteintes aux valeurs démocratiques. Ils disaient entre autre au N° 15 et 16, je cite :
« Depuis plus de deux décennies, un vent de démocratie souffle sur le continent. Notre pays n’est pas en reste. Nous saluons et félicitons tous les efforts qui sont accomplis, en vue de la consolidation du processus démocratique. Toutefois, nous sentons le devoir de proposer quelques points de réflexion (…). A titre illustratif, voici ce qu’a déclaré le Pape Benoit XVI au sujet des élections et de la Constitution dans l’Exhortation issue du 2ème Synode spécial pour l’Afrique: (…) Les élections constituent un lieu d’expression du choix politique d’un peuple et sont un signe de la légitimité pour l’exercice du pouvoir(…) Par contre, le non respect de la Constitution nationale manifesterait un manque de compétence dans la gestion de la chose publique ». Fin de citation.
La position de l’Eglise est donc, d’ores et déjà, connue, à tel enseigne que le semblant de silence actuel ne peut que déranger. Ainsi, face à l’éventualité de la modification de la Constitution du 20 janvier 2002, ce qui n’est plus une énigme aux yeux de la majorité du peuple congolais, deux interrogations pertinentes doivent se poser à la lumière de l’évangile:
- pourquoi le débat sur la modification de la Constitution est-il lancé au moment du terme du dernier mandat ?
- ce débat aurait-il eu lieu, si le nombre de mandats était illimité et l’âge de la candidature non plafonné?
A Dieu ce qui est à Dieu, à César ce qui est à César !