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Quelques conflits et leur gestion en Afrique (Côte d'ivoire et Congo brazzaville)

par Abbé Wenceslas daleb mpassy

publié dans Théologie

 

1) Les conflits d'héritage

Il s’agit des conflits qui ont trait au décès d’un époux et donc à sa succession et à l’héritage de ses biens. Ce conflit surgit le plus souvent dans les ethnies de système matrilinéaire.

Le système matrilinéaire, en sociologie et en anthropologie est le système d'organisation sociale dans lequel les origines sont retracées par la lignée des femmes, et où tous les enfants appartiennent au clan de la mère. Ce système est quelquefois associé à l'héritage par la lignée féminine des biens matériels et des prérogatives sociales. Dans ce système, seule l'ascendance maternelle est prise en ligne de compte pour la transmission du nom, des privilèges, et de l'appartenance à un clan ou à une classe. Comment est on arrivé là. Au départ la transmission de l'héritage (notoriété, position sociale, biens et services) s'est d'abord effectuée de mère à fille. Par glissement, elle s'est opérée ensuite de mère à fille et à fils, pour finalement se réaliser d'oncle à neveu. Il est remarquable, dans ce contexte, que la filiation de père à fils est totalement occultée. Ce qui est source de conflit chez les Akan et chez les Lâdi.

 

a) Chez les Akan de côte d’Ivoire

- Nature des conflits

Les Akan de Côte d’Ivoire comportent trois groupes : les frontaliers du Ghana (Abron, Agni, et Nzima) les Baoulé (au centre), et les « lagunaires » au sud (Abè, Abidji, Abouré, Akyé ou Attié, Adioukrou, Avikam, Alladian, Ébrié et Éotilé). Le système adopté par par la société akan est matrilinéaire.

Selon les Akan, l'héritage d'oncle à neveu implique une dépendance vis-à-vis de la femme, du frère envers sa sœur, détentrice de ce pouvoir spécial de la régénération de la lignée ancestrale. Pour les anciens de la tradition, seule la femme avait le secret de sa grossesse. C’est la raison pour laquelle les fils de la sœur pouvaient hériter de leur oncle (même lignée) mais non des enfants du défunt qui sont d’un autre clan que le leur. Aujourd’hui la pratique de ce système engendre de nombreux conflits. Quelle en est la nature ?

Dans les normes si l’on concevait ce système comme une règle de la nature le problème de conflit d’héritage ne devrait pas se poser puisque chacun hérite de son oncle et non du père. Mais les familles où il y avait une majorité de filles se retrouvaient avec les enfants après le décès de l’homme. Ainsi la femme était dépouillée de tous ses biens acquis du vivant de l’homme de plus elle subissait le martyre. Du côté des enfants, les parents maternels bien qu’heureux parce que la famille s’est agrandie se trouvent confronter au problème de l’éducation, surtout de leurs subsistances. Aussi l’on sentait un délaissement de ceux-ci au cas où la mère venait à épouser un autre homme. Oisifs, ils n’ont aucun soutien pas même une parcelle où entreprendre une quelconque activité car ayant perdu les terres et biens de leur père.

L’évolution de la société moderne a consisté à accentuer les failles de ce système avec la loi civile du mariage qui prévoit l’héritage direct des enfants des biens de leur père. Bien souvent l’on a constaté qu’au décès du père, les enfants tout comme la femme étaient dépossédaient des biens. Ou comme prétexte, les parents acceptaient les enfants afin de profiter des biens de leur fils. Or ceux-ci ne prendront pas le temps pour l’éducation des enfants. Ils utiliseront les biens à leur propre compte. Aujourd’hui avec la modernité, tous les enfants tout comme la femme veulent hériter des biens du défunt et non laisser le soin aux beaux parents ni aux nièces du défunt. En somme le conflit d’héritage est lié à une question d’intérêt opposant la famille du défunt et celle de la veuve.

Comment un tel conflit peut être résolu ?

 

- Mode de résolution

A l’instar de bon nombre de cultures africaines, le mécanisme de résolution des conflits d’héritage relève de doigter et de savoir faire afin de pouvoir respecter les intérêts de toutes les parties en conflit.

En effet le conflit d’héritage dans nos sociétés, s’ils sont mal gérés, ils constituent un important déséquilibre qui naît aussi bien entre les protagonistes qu’au sain des diverses catégories sociales.

Les akan pour la résolution des conflits d’héritage qui naissent en son sein procède par des contacts d’affinités. Vu la délicatesse du sujet, seules les personnes jouissant d’une certaine notoriété : chefs notables et sages peuvent siéger pour la résolution de ce conflit.

Par des négociations directes, celui qui est chargé d’intermédiaire essaie de faire entendre raison aux héritiers surtout si le défunt a laissé des enfants à bas âge et aussi afin de ne pas laisser la mère dans « la rue ». Avec l’influence des notables, les neveux héritiers au fil de parfois houleuses discussions finissent par concéder quelques biens pour la subsistance de la veuve et des enfants. Cependant, il faut reconnaître que cette dernière décision n’est pas toujours respectée. Il faut cependant reconnaître que l’héritage constitue une plaie véritable dans la société akan que les autorités politique et administratives et surtout judiciaire doivent veiller à élucider pour le bien être de la population.

 

b) Chez les Lâadi du Congo Brazzaville

Les peuples Laadi sont situés dans la partie sud de la République du Congo précisément dans le département du Pool. Ils appartiennent au grand groupe Koongo constitué de bien d'autres ethnies : kuni, beembe, suundi, koongo, doondo, haangala, kaamba, yoombe etc. Tous ces peuples ont une souche commune, le grand royaume Koongo dia Ntotila en Angola. De cette souche commune, les peuples laadi ont conservé, entre autres, les makaanda (clans).

Le kaanda est une organisation sociale faite des mécanismes que tout le monde observe consciemment ou inconsciemment. En pays laadi, le kaanda vit grâce aux rapports entre ses membres (bisi kaanda) et à ses liens séculaires tissés dans la trame de l'histoire par les ancêtres avec d'autres clans par alliance, bankweesi ou des clans voisins.

L'héritage, qui est venu de Koongo dia Ntotila, a, sans doute, connu des modifications sur le cheminement migratoire. Cependant, il en reste une base, une vraie sève, mamelle de survie identitaire comme par exemple le régime matrilinéaire. Ainsi, comme dans chaque groupe culturel, plusieurs situations font l'objet de conflits chez les laadi. Mais le plus récurent de tous est le conflit d'héritage.

En effet, aussitôt après la mort d'un homme chez les laadi, les membres de la famille de celui-ci tyrannisent la veuve. Ils commencent par sceller la maison pour empêcher à la veuve d'y entrer, de peur qu'elle n'escroque tout l'héritage laissé par le défunt. L'accès de la maison est même interdit aux enfants durant la veillée mortuaire. Après l'enterrement, le deuil peut durer 40 à 45 jours, si non plus; voir même jusqu'à trois ans. Le jour du retrait de deuil, si la veuve refuse le nouveau mari qu'on lui propose, elle est contrainte de rembourser le montant de la dot, souvent majorée.

Etant donné qu'il s'agit d'un peuple matrilinéaire, les laadi continuent à défendre la conception selon laquelle les enfants n'appartiennent pas au clan paternel, pas plus que leur mère car estiment-ils que : seule la mère connaît le véritable père d’un enfant. Alors, fort de ce principe, les membres de la famille paternelle s'approprient tous les biens laissés par le défunt. Cette situation ne va pas sans conséquences puisqu'elle est la source d'un conflit qui fait couler beaucoup d'encres. Notant que, ce conflit est resté sans issus pendant plusieurs décennies en ce sens que la veuve et les enfants, bien que lésés n'avaient rien à revendiquer de leur père. Car chez les laadi, les enfants succèdent non à leur père mais à leur oncle. Et aucune instance n'avait le droit de se mêler d'une affaire d'héritage familiale. Cela n'a pas tardé de faire place à la violence car les enfants du défunt soupçonnèrent très vite la famille paternelle d'avoir commandité la mort de leur père pour hériter de ses biens, d'où il fallait à tout prix trouver un prétendu sorcier à qui on faisait souffrir le martyre.

Actuellement, on est parvenu à la  création d'une instance traditionnelle constituée des sages de plusieurs contrées laadi. Ceux-ci siègent à la manière d'un tribunal dit « Térikyo ». Ainsi lorsque dans une famille le problème d'héritage se pose et que cette instance est saisie, celle-ci tente de réconcilier les deux parties et procède toujours, ou du moins le plus souvent, à un partage équitable des biens entre les enfants (la veuve y compris) et la famille du défunt.

Toutefois, il sied de dire que plusieurs conflits d'héritage ne sont pas signalés par peur de représailles de la sorcellerie.

Abbé Daleb Mpassy

 

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