Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Ecologie: l'Eglise et la création.

par Abbé daleb mpassy

publié dans culture

C- L’Eglise et la création.

 

 

Depuis l'antiquité chrétienne jusqu'à nos jours, la théologie de la création n'a cessé de s'approfondir. En partant de l'Ecriture, en effet, beaucoup de théologiens ont montré que Dieu est l'auteur de toutes choses et que c'est vers lui que toutes les créatures tendent. Aussi, à travers un regard rétrospectif sur l'histoire de la théologie de la création, nous essayerons de voir comment s'est toujours posée la problématique écologique dans la réflexion Chrétienne.

 

          1)- La création à l’époque patristique.

Face à certains courants comme le panthéisme, la gnose, le dualisme, etc., les pères de l'Eglise ne se sont pas contentés d'affirmer leur foi en la création sans engager de chaudes discussions avec les tenants de ces courants, en utilisant pour la plupart du temps des arguments philosophiques. Aussi parvinrent-ils à affirmer entre autres, la bonté de Dieu, l'unicité du créateur, sa distinction d'avec le monde. Mais pour ce qui est de la relation de l'homme avec le monde, les pères restèrent convaincus que le monde a été fait pour que l'homme existe, y découvre Dieu et jouisse de sa bonté. Appelé à vivre dans le monde et à y intervenir, l'homme, selon les pères, ne sera véritablement image de Dieu que lorsqu'il saura conjuguer savoir et sagesse.

Avec Saint Augustin, on peut affirmer que « la visée écologico-théologique s'enrichit d'une portée sotériologique »[1]. En effet pour lui, «la création extrahumaine, du fait de   la bonté de sa nature, possède plus qu'une valeur utilitaire »[2]. A cause de cette bonté, « le pécheur doit déclencher en lui-même l'étincelle divine de la raison, de telle façon  que les découvertes, la connaissance de la nature, de la terre et du ciel, la technique, la construction des machines, l'art et toute sorte de travail, malgré l'ambivalence et les risques qui leur sont inhérents à cause du péché, soient mis non seulement au service de la guérison (Heilung), mais aussi du salut (Heil) »[3].  

 

           2)- La création au moyen-âge.

Cette époque est marquée par plusieurs personnalités dont Saint Benoît de Nursie. « Ora et Labora » (prie et travaille), était la devise de sa règle. En effet, chez les Bénédictins, la foi en la création était manifestée dans l'éthique du travail. C'est pourquoi ils accoòdèrent dans leuò vie une place de choix à l'agriculture et à l'artisanat, activités qui finirent par avoir la même importance que les différentes activités spirituelles. Pour ces derniers, « le travail humain peut et doit avoir cette valeur qui consiste à poursuivre de manière responsable, la création de Dieu »[4]. Mais de tous ceux qui ont oeuvré dans ce sens, Saint François d'Assise demeure la figure de référence.

Celui-ci voyait la création dans son rapport au Christ. Pour lui, le Christ est à la fois le médiateur de la création, son sauveur et son centre. C'est pourquoi « à ses yeux, le donné sensible est transparence du seigneur puissant et bon »[5]. Et compte tenu du fait que toutes les créatures sont issues de Dieu, François voit alors celles-ci lui devenir fraternelles. C'est ainsi qu'il se fait leur prêtre dans la prédication: « il prie le frère Faucon de lui servir de réveil matin à l'Averne (...) il demande à ses soeurs hirondelles de ne pas couvrir sa prédication par leur bavardage assourdissant »[6]. Toutefois il reconnaît la prééminence de l'Homme sur toutes ces créatures.

En somme, Saint François nous apprend que sans le sens d'une certaine valeur sacrée des choses, le respect de la création s'avère difficile. Et ce sens s'acquiert dans la reconnaissance d'une origine commune à toutes les créatures, et d'une action de Dieu qui les maintient dans l'existence. Sa conviction que toutes les créatures servent à leur manière le créateur contribua énormément à fortifier en lui cette volonté de désappropriation et de pauvreté que nous lui reconnaissons. Puisque les créatures servent le créateur, l'homme n'a donc aucun droit de les détourner de leur service de louange pour des fins inavouées et inavouables. Il doit plutôt faire preuve de détachement s'il tient à la solidité de ses relations avec Dieu, car personne ne peut servir à la fois deux maîtres. C'est dans ce sens que Sainte Claire, sa vraie amie, soutient que « la perte du fruit de la charité vient de l'attachement aux choses d'ici-bas »[7]. Aussi devons-nous chercher à tout prix à adhérer au seul créateur pour disposer de toutes choses, car c'est en refusant toute propriété particulière et en nous gardant libres, que nous pouvons tout posséder en Dieu.

 

         

           3)- La création selon la théologie post-conciliaire.

La prise de conscience de la crise écologique s’est faite un peu tardivement dans l’Eglise. Aussi comprenons-nous que les textes conciliaires n’en fassent pas spécialement mention. Toutefois cela n’a pas empêché les théologiens de se mettre à jour quant aux questions relatives à la crise écologique. Partant en effet de la doctrine de la création, ils bâtirent une théologie qui sut prendre en compte le comportement de l’homme dans le monde. L’affirmation principale de ceux-ci est que Jésus-Christ est le fondement de la création ; et ce, selon un triple point de vue. D’abord, le Christ est considéré comme le créateur de toutes choses, celui par qui les créatures trouvent leur forme. Ensuite, il est présenté comme celui qui par sa présence maintient toutes choses dans l’existence, et enfin il est celui vers qui toutes les créatures tendent.

En s’appuyant sur la compréhension du monde comme création de Dieu, les théologiens en arrivèrent à la reconnaissance de celui-ci comme propriété privée de Dieu. Crée par Dieu, le monde ne saurait appartenir à quelqu’un d’autre. L’homme ne le reçoit que comme un prêt, et se doit de le gérer loyalement. Car la finalité de la création n’est pas lui-même mais le sabbat. En effet, « Dieu a créé le monde par amour pour sa gloire, et la couronne de la création n’est pas l’homme, mais le sabbat. En tant qu’image de Dieu, l’homme a certes sa position privilégiée dans la création, mais il participe avec toutes les créatures terrestres et célestes à la célébration de la gloire et à la jouissance du plaisir sabbatique »[8]. C’est pourquoi le monde ne doit pas être traité selon les critères de la jouissance humaine, mais bien plutôt selon les critères de la justice divine. Et, Stanislas Lyonnet renchérit en disant que « Dieu n’a pas créé cet univers pour le destiner à la mort ; il a remis en nos main un univers encore inachevé ; mais nous confiant la mission glorieuse de parfaire son œuvre, une mission que, depuis le péché, l’homme ne saurait accomplir sans efforts douloureux, mais qu’en décidant de le racheter et en lui promettant un rédempteur, Dieu le lui confie pour ainsi dire à nouveau en lui permettant de l’accomplir »[9].

Ainsi, « l’homme doit donc s’efforcer de respecter la création et d’en découvrir les lois pour assurer le service à l’homme »[10]. Quant aux moyens à prendre pour cette domination pacifique de la nature, les théologiens citent entre autre la Science et la Technique dont ils reconnaissent la valeur. L’homme n’est donc co-créateur que lorsqu’il sait mettre à l’œuvre ses bras, sa science et sa technique dans la création. C’est son effort qui conduira la création, présentement en attente, à son terme.

En effet « par la science, le visage du Christ se dévoile un peu plus, et la vérité Scientifique est une nourriture spirituelle qui, dans son ordre, procède de la même origine que les dons les plus intimes. Toute découverte et invention sont un réel progrès de la conscience humaine vers Dieu, obscurément palpé dans la joie d’une conquête et qui pourtant, à ce stade, se dérobe à l’étreinte »[11].

 

 



[1]Alexandre GANOCZY, perspectives écologiques dans la doctrine chrétienne de la création, in Concilium, n°236, Paris, 1991, P.63.

[2]Cf. De Civitate Dei XII, 4 ; PL351sq, in Alexandre G., op.cit., p.63.

[3]Cf. De Civitate Dei  XXII, 24 ; PL41, 788-792, in Alexandre G., op.cit., p.63.

[4] Alexandre GANOCZY, Op.cit, p.65.

[5]Achille DEGEEST, Saint François : « il vit que cela était bon », in Communio, n°3, Janvier, 1976, p.76.

[6] Ibidem, p.72.

[7]Cf. René Charles  DHONDT, Claire parmi les sœurs, Apostolat des éditions, Paris, 1973, p.83.

[8] Jürgen MOLTMANN, Dieu dans la création, Ed. Cerf, Paris, 1988, p.49.

[9] Stanislas LYONNET, La rédemption de l’Univers, in Lumière & Vie, n°48, Juin-Août, 1960, p.60.

[10] AA.VV., Jean- Paul II et l’écologie, in Missi, n°523, Août-Septembre 1990, p.239.

[11] Trophine MOUIREN, Op.Cit., p.127.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article