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Homélie pour le 24è dimanche du T.O A (13 Sept 2020)

par Abbé Venceslas Daleb Mpassy

Frères et Soeurs,

Suite à une offense, notre réaction première est de rendre les coups. En Orient, la vengeance était même sainte, au point que l’Ancien Testament la prête (à tort) à Dieu lui-même. Ainsi, tout au long de l'histoire biblique, Dieu va inviter l'humanité à se libérer de cette spirale de la violence. Et au long des siècles, les textes de la Loi aussi bien que des prophètes invitent au pardon en annonçant le pardon de Dieu. Le peuple d'Israël va apprendre peu à peu à passer de la vengeance au pardon. Ben Sira dit le sage, écrit que c'est parce que Dieu connaît notre faiblesse  qu'il a pitié de nous. Et c'est à cause de cette faiblesse que Ben Sira nous invite à avoir pitié des autres. Si une personne n’a pas de pitié pour son semblable, comment peut-elle supplier pour ses propres fautes ? C’est le «pardonne-nous comme nous avons pardonné» du Notre Père.

Déjà dimanche dernier, Jésus prônait la miséricorde envers la sœur ou le frère égarés. Aujourd’hui, il prône cette même miséricorde quand on a soi-même subi une offense. Comme nous, Pierre sait qu’il faut pardonner, mais il arrive un moment où la patience est à bout. Car il y a des limites à tout. Raison pour laquelle à l'époque de Jésus dans les écoles de rabbins, on avait établi des conditions pour le pardon. La plupart des rabbins disaient qu’aller jusqu’à quatre pardons était acceptable.  Pierre demande donc à Jésus ce qu'il recommande et il suggère sept pardons, chiffre qui signifie beaucoup.  Pierre fixe cette limite avec une évidente générosité. En multipliant le chiffre de Pierre par dix et par sept, Jésus rend ce chiffre illimité. C’est dire que Dieu se dévoile non comme justicier, mais comme miséricorde et tendresse. Cela déborde nos calculs mesquins. D’où Jésus invite Pierre à dépasser tout calcul.

Refuser de pardonner à son prochain, c'est faire taire l'amour en notre cœur. Cependant, quand il est question d’offenses du passé, de cœurs brisés ou de remords, faut-il oublier, ou justement être alerte à ne pas oublier? Oublier voudrait dire tomber dans l’indifférence. Ne pas oublier, c’est être et demeurer vivant. Par contre, comment apprendre à vivre avec les souvenirs? Est-ce que je me laisse envahir par la haine ou est-ce que je tente d’aimer, de réconcilier? Là est la grande différence. En Dieu, il n'y a pas de pardon du bout des lèvres; il est grâce, entière gratuité. Le pardon est un geste d'amour qui ne s'achète pas. Ce qui est demandé au serviteur de la parabole c’est d’avoir miséricorde. Ce qui est demandé n'est pas de pardonner au sens d'excuser quelqu'un du tort qu'il nous a fait. Mais plutôt de partager sa souffrance avec autant d'amour. Une vraie communauté chrétienne est lieu d'apprentissage du pardon et l'Église de Jésus n'existe vraiment que là où se vit le pardon. Dans le cœur de Dieu, le pardon ne connaît pas d'attente ni de demi-mesure: il est immédiat et total. Il ne s'agit pas de vouloir à tout prix éviter les conflits en gommant les différences. Il s'agit de vivre les divergences dans le respect des uns et des autres et de vivre la miséricorde en reconnaissant nos faiblesses et nos maladresses. Dieu sait combien il nous est parfois difficile de pardonner, de passer par-dessus l'offense comme dit Ben Sirac. Mais justement, peut-être le pardon accordé est-il indispensable pour accueillir la pitié de Dieu.

La phrase centrale de la 2e lecture, c'est «Aucun d'entre nous ne vit pour soi-même, et aucun ne meurt pour soi-même… Nous appartenons au Seigneur». Autrement dit, la grande conviction de Paul, c'est la solidarité très étroite qui nous unit les uns aux autres et avec Dieu. Cette solidarité ne supporte pas les divisions, les déchirures ; Jésus est venu dans le monde afin que chacun de nous puisse vivre d'une autre manière. Une famille ou une communauté ne peut vivre sans pardon reçu et donné.

 

 

 

 

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