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Le rite zaïrois: Utopie ou réalité ?

par Abbé daleb mpassy

publié dans culture

Le rite zaïrois: Utopie ou réalité ?

Son impact sur l'inculturation du catholicisme en Afrique

 

En Afrique, le Congo (RDC) avec ses 50 évêchés a inventé son propre rite axé sur la figure du Christ-chef. Jean-Paul II a d’ailleurs célébré dans le rite zaïrois lors de ses visites. Au Bénin, le père Adoukonou essaye aussi son rite africain, avec son Sillon Noir. Au Togo, Jean-Paull II était visiblement satisfait de la messe où les filles kabyê avaient dansé lors de la célébration qui avait eu lieu devant l’hôtel du RPT à Lomé. Toutes ces tentatives d'inculturation nous permettent de nous pencher sur le rite Zaïrois qui a déjà reçu de ROME une approbation, afin de savoir ce qu'il a de spécifique.

 

Le rite zaïrois est une variante du rite romain . Il fut approuvé par Rome en 1988. Le "rite zaïrois" correspond à la culture du peuple. Les gens sont impliqués dans la liturgie car ils se sentent reconsidérés et reconnus. Il prend en compte la vie et la culture africaine. A ce propos, Le cardial Joseph-Albert Malula est considéré aujourd’hui comme «l’un des fondateurs des Églises d’Afrique et une de ces figures de la ‘patristique’ africaine». Il est «le père du rite zaïrois ou le pionnier par excellence de l’africanisation de l’Église sur le continent noir». A la question de savoir si Jean-Paul II, bien que très tolérant, n’avait pas été désarçonné par le « rite zaïrois » auquel il avait assisté lors d’une visite en Afrique ? Mgr Piero Marini s’empresse de répondre que le terme « rite zaïrois » est inadéquat : « Il ne s’agit jamais que d’adaptations locales et approuvées du rite romain ». Quel est donc le but visé par le rite Zaïrois? A cette question, plusieurs Théologiens Congolais s'expliquent parmi lesquels, l'abbé Kabongo Edouard qui a soutenu une thèse intitulée: "Le rite zaïrois de la messe: Théologie de l'Eucharistie en contexte africano-congolais" . C'est également ce qu'a essayé de faire l'abbé Hilaire Mitendo, en nous disant en 8 points quelques mots sur ce rite.

1- But du rite Zaïrois: Associer vie et foi pour se sentir chez soi

Selon l'abbé Hilaire Mitendo, curé à Bienne, la liturgie doit répondre aux besoins de la société et aux signes du temps. Pour répondre aux signes du temps, la liturgie doit s'inculturer dans chaque paroisse, dans chaque société. Tel est le fruit de l'expérience de l'abbé Hilaire Mitendo, originaire de la République démocratique du Congo. Il a fait une partie de ses études au Congo, puis à Innsbruck (Autriche). Ordonné prêtre en 1986, il a travaillé dans son pays. Il est revenu en Europe pour faire une thèse sur la sacramentalité du système matrimonial négro-africain, à l'Université de Fribourg. Depuis trois ans, il est curé de la paroisse Saint-Nicolas de Flüe à Bienne. Il a également exercé son ministère dans différentes paroisses du diocèse de Bâle.

2- Quelles sont les différences entre la liturgie ailleurs et en Afrique?

- Abbé Hilaire Mitendo: D'abord il faut préciser qu'il ne me sera pas possible de parler de la liturgie de toute l'Afrique. Je me baserai sur la liturgie en République démocratique du Congo. Avant le Concile Vatican II, il y avait uniformité de langue, de manière de célébrer et de missel dans l'Eglise universelle. Après le concile, la liturgie s'est modifiée pour inviter les croyants à vivre leur foi. Chaque chrétien et chaque Eglise particulière ont été appelés à faire quelque chose. Au Congo, nous avons pensé qu'il était temps d'impliquer toute la communauté des croyants dans la liturgie. En 1988 un rituel propre au Congo a été approuvé par Rome. Le "rite zaïrois". Celui-ci correspond à la culture du peuple Congolais. Les gens sont impliqués dans la liturgie car ils se sentent reconsidérés et reconnus. Les missionnaires, qui nous ont évangélisés, ont apporté également leur manière d'être. Il était temps que nous aussi, nous puissions réinsérer l'évangélisation dans notre milieu, en prenant en compte la vie et la culture africaine.

3- Quelles sont les particularités du rite zaïrois?

- Le "rite zaïrois" insiste sur la participation active de l'assemblée, l'engagement des fidèles. Par exemple la danse, il n'y a pas que quelques fidèles qui dansent mais toute l'assemblée. Nous ne dansons pas comme dans une discothèque, mais nous dansons car la danse fait partie de notre culture. C'est une expression de notre foi.

- Une deuxième particularité est l'invocation des saints et des ancêtres qui tient une place très importante dans la liturgie zaïroise. Elle est une affirmation eschatologique de l'assemblée chrétienne. Cette évocation est essentielle car elle fait partie de la culture du pays. Le Congo a une culture basée sur la tradition orale qui accorde aux ancêtres une grande place.

- Une troisième caractéristique est le rôle des lecteurs dans les célébrations liturgiques. Ce rôle est revalorisé car ils assument une grande responsabilité. Ils sont mandatés par le prêtre et reçoivent de lui une bénédiction avant d'aller lire. Une autre caractéristique est le style qui est original dans la mesure où les prières sont formulées selon des procédés stylistiques propres à la parole.

4- Ces deux manières de vivre la liturgie peuvent-elles s'enrichir mutuellement?

- Les deux façons de vivre la liturgie sont complémentaires. L'expérience d'inculturation du Congo est enrichissante, mais le "rite zaïrois" ne peut-être célébré que dans les diocèses du Congo ou par des Congolais. La liturgie vécue au Congo correspond à la société du Congo et l'on ne peut pas la transposer ailleurs. Il faut faire correspondre la liturgie aux besoins de la société. Il faut donc se mettre au travail.


5- Faut-il développer davantage la liturgie dans d'autres pays?

- Nous avons toujours tendance à croire que la liturgie est une manière de vivre qui vient s'ajouter à ce qui existe déjà. C'est faux, la liturgie ne doit pas être séparée de la vie courante. Dans les événements publics nous recherchons le divertissement, la joie, l'information, etc. Tout cela fait partie de notre vie. Pourquoi cela ne se passerait-il pas ainsi dans nos liturgies? La liturgie doit faire partie de notre vie et nous devrions sentir que nous sommes chez nous dans une église. Je pense qu'il faut réfléchir ensemble à quelle méthode utiliser pour que chacun se sente appelé à vivre cette liturgie.

6-La liturgie actuelle dans l'Eglise répond-elle aux signes des temps?

- Pas toujours. Il faut adapter la liturgie aux circonstances et à la société dans laquelle elle est vécue. C'est ce qu'on appelle l'inculturation. Il faut intégrer dans la liturgie les rites coutumiers qui relèvent autant de l'aspect social qu'individuel. Par exemple, ce que nous célébrons dans l'Evangile ne doit pas rester à l'église, mais être mis en pratique au service de la société. Nous nous demandons parfois pourquoi les gens ne viennent plus à l'Eglise. C'est peut-être parce que nous ne faisons pas ce que nous devrions faire! La liturgie est un lieu d'évangélisation. Lorsque nous améliorons notre liturgie, nous participons à l'évangélisation de notre communauté.

 

7- Comment inculturer la liturgie ailleurs?

- Premièrement, je dirais que la liturgie doit correspondre aux besoins de la communauté. Par conséquent, chaque communauté est appelée à s'impliquer davantage dans la vie de l'Eglise. Pour cela, il faut des gens et souvent, c'est très difficile de les faire participer. Pour des aides ponctuelles, les personnes acceptent mais elles ne veulent plus s'engager à long terme. Je crois que dans beaucoup de mentalités, l'Eglise c'est encore l'Eglise du curé, alors que nous avons tous à participer à la vie de notre Eglise.

Deuxièmement, on doit se demander si ailleurs les gens ont besoin de se sentir plus impliqués dans la liturgie? Si oui, je pense qu'il faut faire un travail en profondeur et analyser les raisons pour lesquelles les gens se sentent étrangers à ce qui se fait. La liturgie est un lieu de communication et de réception de la foi. En Europe, le christianisme est déjà inculturé dans la société. Les Européens ont oublié leurs racines et ce en quoi ils croient. Il faut les réévangéliser, leur faire redécouvrir leur héritage. Malheureusement je ne sais pas comment !

 

8- Comment intensifier et intérioriser la participation des fidèles à la liturgie?

- En premier lieu, il faut répondre aux besoins de la communauté. Améliorer les célébrations et en créer de plus vivantes, mais sans sortir du cadre liturgique. Il ne faut pas faire pour faire. Il y a beaucoup d'initiatives qui ne correspondent pas à un besoin. On peut également chercher des réponses dans les expériences des autres. Par exemple, en analysant pourquoi dans une paroisse ou une société il y a plus de participation que dans une autre. Dans les églises en Suisse la moyenne d'âge est élevée. Donc, avant tout, il faut réfléchir. Allons-nous préparer une liturgie pour les personnes âgées ou pour les jeunes générations? Quels sont les besoins des unes et des autres?

- Au Congo, en ce qui concerne les initiatives pastorales, c'est la paroisse Saint Alphonse Marie de Liguori de Matete qui a été à la base des innovations, particulièrement dans le cadre de l’inculturation. Ce qu’on appelle aujourd’hui le rite zaïrois de la messe a connu ses débuts dans cette paroisse. En 1974 a été confiée à cette église paroissiale la lourde responsabilité d’expérimenter, pour l’Eglise du Zaïre à l’époque, ce nouveau rite de la célébration eucharistique qui fait aujourd’hui la fierté du Peuple de Dieu dans ce pays de par le monde. La paroisse Sainte Alphonse Marie de Liguori de Matete, pour ainsi dire, est depuis lors le berceau et la gardienne de l’inculturation dans la manière de glorifier et d’adorer le Seigneur. Elle se présente aujourd’hui non seulement comme un pole d’attraction pour les croyants aussi bien nationaux qu’étrangers mais aussi comme une véritable école de formation des prêtres et engagés laïcs.

 

 

 

Ouvrage

Le cardinal Malula et Jean-Paul II

Mpisi Jean ,ed. L'Harmattan , Paris, collection Etudes africaines )

Résumé

Ce livre retrace le combat du cardinal Joseph-Albert Malula pour instaurer une Eglise africaine, du début des années 1950 à 1989. Archevêque de Kinshasa, il participa au Concile Vatican II en tant que membre de la Commission liturgique. Son principal cheval de bataille fut l'instauration d'un rite de célébration eucharistique spécifique pour son pays, ce qui suscita notamment la réticence de Jean-Paul II.

Quand l'on parle de l'inculturation en matière liturgique et des rites inculturés en Afrique, l'on pense spontanément au «rite zaïrois» et à l'un de ses plus éminents initiateurs, le cardinal Joseph-Albert Malula, archevêque de Kinshasa. En effet, approuvé par le Saint-Siège le 30 avril 1988 sous la dénomination de «Missel romain pour les diocèses du Zaïre», ce rite de la célébration eucharistique, dit «messe zaïroise», a constitué son principal cheval de bataille. Ce livre décrit le combat pour une «Eglise africaine» de cet évêque hors du commun, qui commence vers 1953, sept ans après son ordination sacerdotale. En juillet 1959, Malula est nommé évêque auxiliaire de la capitale. A cette occasion, il promet de constituer «une Eglise congolaise dans un Etat congolais», «une Eglise qui, explique-t-il, revêt un visage vraiment congolais, dans son expression théologique et philosophique, dans l'évangélisation et également dans sa liturgie. Il faut que les valeurs congolaises, les valeurs africaines soient insérées dans la liturgie, afin que le peuple comprenne de quoi il s'agit, quelque chose qui prouve que l'Eglise c'est leur Eglise, et pas quelque chose d'importé. Mais, au contraire, que c'est quelque chose d'incarné». Ce sera le programme de sa vie.

De 1962 à 1965, Malula participe activement au Concile Vatican II, comme (le seul Africain) membre de la Commission liturgique. Ce Concile, qui appelle à l'aggiornamento de l'Eglise et notamment à la restauration liturgique, constitue pour lui une «véritable révolution copernicienne». Il l'évoquera pour concrétiser son grand projet d'inculturation, dont les premiers fruits tombent, en 1967, avec l'apparition des religieuses «authentiquement africaines» (s'habillant notamment en pagne) et, en 1975, avec la mise en oeuvre de la «messe en rite zaïrois» et l'installation des bakambi, des laïcs mariés à la tête des paroisses. C'est à partir de 1980 que Jean-Paul II découvre ces innovations, et en discutera longuement et passionnément avec Malula (à Kinshasa et à Rome). Si le «rite zaïrois» obtient l'indult romain, le «phénomène bakambi» n'est pas toujours reconnu par le Saint-Siège, même s'il semble être toléré. Jusqu'à sa mort le 14 juin 1989, le cardinal Malula se battra pour la reconnaissance de cette grande idée, ainsi que pour d'autres, dont celle de convoquer un Concile africain pour procéder à l'évaluation et à la fondation définitive du «christianisme africain». Mais Jean-Paul II lui opposera un banal Synode romain pour l'Afrique...Relativement aisé avec Paul VI, qui invitait les évêques du Continent noir à fonder un «christianisme africain», le dialogue n'est donc pas facile entre Malula et Jean-Paul II, entre l'«Eglise africaine» et le Siège apostolique. Pour Jean-Paul II, "le rite chrétien doit garder son lien substantiel avec la liturgie catholique, universelle" ; les Africains doivent éviter de se refermer sur eux-mêmes, de "se laisser constituer une philosophie et une théologie de l'«africanité» qui seraient uniquement autochtones" et dans lesquelles "le christianisme ne serait plus qu'une référence verbale, un élément artificiellement surajouté".

Après la mort du fondateur de l'Eglise africaine, celle-ci sera quelque peu «malmenée» par Rome, qui ne trouvera pas en face d'elle, pour lui résister, un homme énergique de la trempe du défunt, capable de tirer la locomotive africaine...

 

 

 

 

 

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E
Grand Merci pour cet article riche en couleur. J'aimerai aller à la racine du rite zairois, mais les documents font défaut. Où pourrai-je les trouver??? Si vous les avez en format digital, prière de me les passer. <br /> Bon courage et grand merci pour cet écrit.<br /> Salutations depuis le Mexique.
Répondre
A
Merci beaucoup pour votre apport, non pas seulement ici, mais surtout dans les grands débats de la Théologie Africaine. Vos écrits sont d'une richesse incommensurable.
J
Je suis l'auteur de l'ouvrage dont s'inspire l'article. Vous pouvez obtenir ce livre à l'une des librairies de L'Harmattan. Il contient une mine d'informations sur le "rite zaïrois". L'auteur de l'article en donne le résumé (reprise du texte de la 4ème page de la couverture de l'ouvrage).